"Holy" de Prune Nourry

A l'occasion de sa quatrième Carte blanche confiée à un artiste contemporain, le Musée Guimet invite Prune Nourry à investir sa rotonde mais également d'instaurer un dialogue entre ses oeuvres et une quinzaine de pièces emblématiques de la collection permanente... Visite guidée.

Le fil rouge de l'exposition de Prune Nourry prend la forme d'un bouddha monumental dont les gigantesques fragments sont disséminés dans le musée; pieds au rez-de-chaussée, main au premier étage, buste au deuxième et tête sous la rotonde au dernier étage. Si le colosse se tenait debout, il mesurerait 38 mètres de haut mais c'est cette idée de ruines qu'a voulu explorer la plasticienne de 32 ans. Alors qu'en 2001, les Talibans détruisent les colossales statues de Bâmiyân en Afghanistan, Prune Nourry tente de redonner vie au patrimoine de l'humanité, et par là peut-être à l'humanité à elle-même, en plantant des milliers de batônnets d'encens sur le corps démembré comme autant d' aiguilles d'acupuncture qui visent à réparer voire, à guérir...

Les oeuvres de Prune Nourry dialoguent ici avec poésie avec des pièces historiques et millénaires du Musée Guimet. Ainsi, sa sculpture en bronze "Abondance" fait face à un Bodhisattva en bois du 18ème siècle. La main de Prune Nourry se prolonge avec des canaux de fonte, habituellement coupés lors de la réalisation d'un bronze, pour former des branches d'arbre dont la sève serait injectée via un système veineux qui prend les courbes du Gange, fleuve sacré en Inde. Les civilisations asiatiques se croisent ici sur fond de bouddhisme...  

Plus loin les "Terracotta daughters", l'armée des 108 fillettes, symbolisant les quelques 330 millions sacrifiées lors d'avortements sélectifs en Chine entre 1970 et 2010, prend une formation réduite sans pour autant perdre de sa puissance symbolique et esthétique. Au fil de ce parcours comme dans notre monde déchiré par la violence, il faut se réciter comme un mantra le titre salutaire et poétique du Bouddha morcelé: "La destruction n'est pas une fin en soi"...

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