Quel sujet plus universel que l’Amour ? Sous toutes ses formes et surtout sous toutes ses couleurs, ce thème est un incontournable de tous les arts. À l’approche de la Saint Valentin, CultureSecrets a décidé de vous parler d’un tableau célèbre qui a fait couler beaucoup d’encre, Le Baiser, de Gustav Klimt.
Gustav Klimt en 1914,
photographié par Anton Josef Trčka
Artiste majeur du symbolisme viennois, Klimt rend ses œuvres reconnaissables par l’or qui y prédomine. Ayant une portée décorative, ses tableaux s’inscrivent dans le mouvement de la sécession viennoise, visant à faire rayonner l’art autrichien sur la scène internationale.
Le Baiser (1906-1908), Vienne, Galerie du Belvédère
Son œuvre, Le Baiser, est l’une des plus célèbres du XXe siècle. Ce tableau grandeur nature, qui représente au centre de la toile un couple doré en plein enlacement, incarne à lui seul l’idéal du couple amoureux. On retrouve dans la figure de la femme un reste des figures féminines préraphaélites d’un Dante Rossetti. L’atmosphère dorée n’est pas sans rappeler le mythe grec de l’Âge d’or décrit par le poète Hésiode au VIIIe siècle avec J.C.. Véritable âge de paix, marqué par un printemps éternel, où les hommes et les Dieux vivaient en harmonie, cette époque légendaire est naturellement propice aux amours entre humains et divinités.
Apollon et Daphné, Bernin, 1622-1625
Le lien de ce tableau avec la mythologie est renforcé par la littérature : ou plus précisément à un épisode du premier livre des Métamorphoses d’Ovide. En effet, l’historien de l’art Julio Vives Chillida rapproche cette œuvre de la scène ou Daphnée poursuivie par Apollon se change en laurier pour échapper à son baiser. Le tableau de Klimt nous permettrait ainsi d’assister au moment symbolique où la nymphe communie avec la nature, au point de devenir elle-même un arbre. Cette interprétation heurte la beauté romantique que l’on confère souvent à cette œuvre, mais demeure tout à fait plausible.
Détail partie centrale, les vêtements du couple,
Le Baiser (1906-1908), Vienne, Galerie du Belvédère
On retrouve plusieurs symboles dans cette toile majestueuse qui permettent de bien séparer le corps de l’homme de celui de la femme. Dans les habits des personnages représentés, on distingue le rôle et les attributs de chacun. Les formes rectangulaires allongés sur la tunique de l’homme, mettent en avant la puissance masculine, et sont une métaphore de la virilité, tandis que les formes circulaires et colorées seraient une représentation du féminin.
Détail partie basse, le parterre de fleurs, Le Baiser (1906-1908), Vienne, Galerie du Belvédère
Le décor floral aux pieds des personnages évoque bien sûr la fertilité de leur amour. On peut d’ailleurs remarquer sur la partie droite de l’œuvre que la traîne dorée de la jeune femme se confond avec la nature.
Détail partie haute, les visages des personnages,
Le Baiser (1906-1908), Vienne, Galerie du Belvédère
Les couleurs et l’atmosphère rendent cette scène irréaliste, tout comme la posture des personnages. Le tableau semble tout droit sorti d’un rêve de l’artiste. C’est un tableau où règne l’harmonie et la quiétude. La jeune femme se laisse aller dans les bras de son amant, et l’on peut remarquer son air paisible alors qu’elle reçoit le baiser de ce dernier. Par ailleurs, bien que cette scène soit profondément érotique, on note la chasteté du baiser donné.
Palais du Belvédère, Vienne © Flickr – felix.castor
Quelle est la place du public dans cette œuvre ? Pour ceux qui ont eu la chance de se rendre à Vienne pour admirer ce tableau dans le magnifique Palais du Belvédère, vous vous souviendrez peut-être que l’œuvre rencontre un succès égal à celui de la Joconde en France. Les spectateurs ne viennent-ils pas troubler la quiétude et l’intimité de ces deux jeunes amants ? Ces derniers ne semblent pourtant pas gênés ou embarrassés (comme on pourrait le voir chez Fragonard par exemple). Les amants ne nous remarquent pas et rien ne paraît troubler la paix de leur étreinte.
On notera enfin le lien distant mais apparent que cette peinture entretient avec l’iconographie des idoles orthodoxes. Lumineux et auréolés, les visages des personnages sont mis en scène d’une manière proche des représentations de Saints dans les peintures religieuses. Gustave Klimt présente ici le lien que l’on peut parfois établir entre art et spiritualité. Bien que l’œuvre ne semble posséder aucun message religieux, elle est, tout comme le magnifique portrait d’Adèle Bloch Bauer, chargée d’un message universelle sur l’amour et la volupté qui nous unit à l’être aimé.
Article écrit par Quentin Defaut