Samuel Fosso incarne toutes sortes de personnages pour détruire les stéréotypes. Du ludique au politique, il revêt le style et le visage de grandes figures existantes ou fantasmées. Mais ne lui parlez pas de déguisement !
Avec la coupe afro d’Angela Davis ou les cravates d’Aimé Césaire, le photographe d’origine camerounaise mêle le médium photographique, le genre de l’autoportrait et la performance dans un style bien excentrique.
Jusqu’au 13 mars 2022, et pour la première fois en France, une rétrospective lui est dédiée à la Maison Européenne de la Photographie. Avant d’aller la visiter grâce à vos entrées CultureSecrets, voici un petit avant-goût de ses œuvres les plus politiques.
Le Chef (qui a vendu l'Afrique aux colons) © Samuel Fosso, 1997. Courtesy Jean-Marc Patras / Paris
Coiffé d’une toque royale, paré de bijoux clinquants et habillé d’une peau de léopard, dans Le Chef (qui a vendu l'Afrique aux colons), Samuel Fosso radicalise le genre de l’autoportrait en livrant une critique féroce du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko. Il se joue de l'imaginaire occidental envers les pays africains, les potentats et leur rôle dans la traite négrière. Stéréotypes occidentaux ou corruption de chefs africains… l’image aux multiples lectures aborde la complexité des relations entre les pays africains et les pouvoirs coloniaux.
Untitled, African Spirits, 2008 © Samuel Fosso
On les reconnaît au premier coup d'œil ; ces auto-portraits de la série African Spirits 2008. Samuel Fosso rend hommage à la liberté en interprétant des icônes de l’identité et de la diaspora africaines, le noir et blanc confèrant une dimension presque historique. “Je me devais de rendre hommage à ceux qui ont fait ma liberté” déclare-t-il. À gauche, il disparaît derrière la figure de Nelson Mandela, respectant les codes de documents officiels. Au centre, il se métamorphose en Angela Davis. À droite, avec une imagerie plus narrative, on le confond avec le boxeur militant Mohamed Ali !
Incarnant les figures de son panthéon personnel, Samuel Fosso ne cherche pas à provoquer mais à mettre en lumière les pionniers des mouvements de décolonisation et d’indépendance sur le continent african, et de la lutte contre la discrimination aux États-Unis.
Série “Black Pope” © Samuel Fosso, 2017. Courtesy Jean-Marc Patras / Paris
Ni personnage réel, ni archétype, la figure incarnée par Samuel Fosso dans Black Pope propose une réalité alternative. Entre mitre, mozette et armoiries, l’autoportraitiste revêt l’apparat réservé au souverain pontife. Pour de vrai ! Les vêtements proviennent de chez Gammarelli, le tailleur officiel des papes.
Dans cette série photographique, salut papal, bénédiction et prières se succèdent pour explorer les questions de pouvoir et d’invisibilisation. Il souligne l’absence d’un pape noir au Vatican. En vingt ans, le nombre de catholiques a doublé en Afrique et pourtant aucun pape africain n’a encore été élu.
Samuel Fosso utilise le corps, l’habillement, les accessoires et les poses pour déconstruire les représentation stéréotypées, rendre hommage à la liberté et questionner l’invisibilité des personnes de couleur. Ses œuvres, conservées dans les collections des plus grands musées : Tate Modern de Londres, Centre Georges Pompidou, musée du quai Branly – Jacques Chirac… sont réunies à Paris par la Maison Européenne de la Photographie jusqu’au 13 mars 2022. Retrouvez l’univers vibrant et satirique de Samuel Fosso avec vos entrées CultureSecrets.
Publié le 28/01/2022, écrit par Gabrielle Dembinski.
Sources :
“Autoportrait, Samuel Fosso,” Catalogue d’exposition (Maison Européenne de la Photographie). Steidl 2021
“Samuel Fosso ou l'autoportrait à la Maison européenne de la photographie : de la mode au politique et à l'intime,” Valérie Oddos, 16 novembre 2021 France Télévisions Rédaction Culture
“Samuel Fosso exposé à la Maison européenne de la photographie,” Pauline Chevallereau, 25 octobre 2021 Arts in the City